L’encre de l’état d’urgence sanitaire et du confinement «couvre-feu» ou l’encre de l’exil…
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Malgré les oppositions, le gouvernement français a obtenu l'aval du Parlement avant-hier (le 9 février) pour proroger le régime d’exception de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin prochain (soit trois jours avant le départ de Vézelay du désormais incertain «Born To Ride Tour 2021» dont certains n’avaient pourtant pas compris en octobre dernier l’adaptation du format traditionnel «BTR» au potentiel contexte sanitaire de juin 2021). À date, faut-il le rappeler, tout ou presque des établissements recevant du public sont fermés par décrets (bars, restaurants, musées, cinémas, salles de spectacles, stades…), les manifestations sur la voie publique de plus de 6 personnes sont interdites sur tout le territoire national, nous sommes assignés à résidence douze heures par jour («couvre-feu» quotidien entre 18H00 et 06H00) et on continue de nous dire que «l’on en a jusqu’à l’été 2021 au moins avec le virus».
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La première fois que «l’encre» de l’état d’urgence sanitaire a été jetée c’était en mars 2020, face à l’épidémie de Covid-19. Depuis, Confinement I, fermeture d’établissements, annulations ou reports d’événements, déconfinement, permission de vacances estivales, Confinement II, fermeture d’établissements et régime de semi-liberté avec couvre-feu quotidien se sont enchaînés car oui, il faut bien parler d’enchaînement au sens «mise aux fers», des fers qui ne sont autres que les murs de notre lieu de résidence. L’encre jetée, nous sommes à l’arrêt, aux arrêts.
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Napoléon, «l’empereur des Français», s’est éteint le 5 mai 1821 (bicentenaire de sa mort le 5 mai prochain), victime d’un confinement insulaire à Sainte-Hélène. Pour combattre l’ennui, «dès mai 1816, Napoléon se fit aménager une véritable bibliothèque». «Une bonne partie de la vie de Longwood House tourna autour des livres : avec les dictées (de ses mémoires), les séances de lecture étaient les seuls moments où l’empereur déchu pouvait s’évader de sa prison par l’imagination». (1).
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Séparé(e)s les un(e)s des autres, invité(e)s à «télé-travailler», confiné(e)s -assigné(e)s- à résidence la moitié du jour, ne pouvant nous réunir tant «entre les murs» (2) qu’à l’extérieur à plus de six personnes, nous nous interrogeons toutes et tous, légitimement, comme Napoléon et ses compagnons de Sainte-Hélène, sur combien de temps encore durera notre exil ?
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«Alors, en France, quand le soleil décline et que je vais m’asseoir sur la vieille borne de pierre du jardin pour regarder les longs longs ciels du Luberon avec la sensation de cette terre brute qui s’en va rouler sa bosse colossale jusqu’à la côte Ouest, de toute cette route qui va, de tous ceux qui rêvent de son immensité, et dans le Queyras je sais qu’à cette heure l’étoile du Berger s’étiole en effeuillant ses flocons pâle sur les forêts, juste avant la tombée de la nuit complète, bénédiction pour la terre, qui fait le noir sur les torrents, pose sa chape sur les sommets de l’Ouest et borde les gorges du Guil ultime et définitive, et personne, absolument personne ne sait ce qui va échoir à tel ou tel, sinon les guenilles solitaires de la vieillesse qui vient, moi je pense à Gastby le magnifique, je pense même à cette dernière phrase de Gatsby» (3) : «Car c’est ainsi que nous allons, barques luttant contre un courant qui nous ramène sans cesse vers le passé» (4).
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(1) Napoléon à Sainte-Hélène – L’encre de l’exil – un livre de Charles-Éloi Vial – Perrin (Bnf Éditions (2018)
(2) Entre les murs – un film de Laurent Cantet (2008)
(3) rédaction hommage à l’Appendice de Sur la route / On the road – un livre de Jack Kerouac (1957)
(4) «So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past» - Gatsby le magnifique / The Great Gatsby – un livre de Francis Scott Fitzgerald (1925) et des films de Jack Clayton (1974) et de Baz Luhrmann (2013)
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